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À quoi va ressembler le CDO du futur ? Dialogue sur une transformation inéluctable

Authors Photo Alexia Plathey | February 25, 2025

Imaginer le monde en 2050 est un exercice fascinant. Quel sera l’impact sur les entreprises et les rôles qui les composent ? Nous nous penchons ici sur le rôle du Chief Data Officer (CDO) pour comprendre son évolution future, passant du pilotage technique à un rôle hybride mêlant stratégie, innovation et engagement humain.

Quoi de mieux pour se prêter à cet exercice que deux fans de la data ! Nous avons le plaisir de retrouver aujourd’hui Florence Haxel, CEO de Datalogy, focalisée sur l’adoption des projets et la diffusion d’une culture data. Elle met en lumière l’importance de l’adhésion et de l’engagement des équipes pour réussir la transformation digitale. Elle est accompagnée de Jean-Paul Otte, EMEA Strategic Services chez Precisely qui, de son côté, partage sa vision axée sur les enjeux stratégiques et techniques du rôle de CDO.

Ensemble, ils nous offrent au fil des réponses une vision complète et complémentaire de ce que pourrait être le futur du CDO.

Avant de parler du futur, regardons un peu ce qu’il passe aujourd’hui. Le CDO est-il déjà une fonction en voie de disparition Jean-Paul ?

[Jean-Paul] : Je dirais que non, mais je n’ai pas de boule de cristal, ni assez de profondeur historique de données à soumettre à un modèle prédictif sur l’avenir du CDO. Cependant, si l’on fait un parallèle avec une autre fonction qui a pour mission de tirer le maximum de valeur d’un actif de l’entreprise, que j’ai nommé le DRH, je suis plutôt optimiste sur l’évolution du rôle. A l’origine, le DRH était le “Directeur du personnel” et avait pour principales tâches d’appliquer les règles concernant les salaires, les congés, le respect des lois etc… De temps en temps il devait négocier avec les syndicalistes qui réclamaient plus de considération envers les employés … mais c’était anecdotique. Ce directeur du personnel s’est donc mué au fil du temps en gestionnaire de ressources humaines, mettant en place des stratégies permettant d’attirer et de retenir les meilleurs talents qui permettent d’atteindre les objectifs de l’entreprise. Aujourd’hui, au-delà de la gestion humaine, il est devenu un acteur clé de la stratégie d’entreprise, souvent membre du comité de direction comme en témoigne les nombreuses initiatives en place (nice place to work,etc…).

[Florence] : C’est vrai que quand on y pense le profil DRH a connu une évolution similaire !

[Jean-Paul] : Oui, je pense que le CDO aujourd’hui est dans cette période de transition où il passe de “faire appliquer les règles” à mettre en place des stratégies pour tirer toute la valeur des données pour atteindre les objectifs. Je me rappelle il n’y a pas si longtemps avoir été ce syndicaliste qui réclamait plus de considération pour les données, aujourd’hui, le message est passé. Alors, le CDO ne va pas disparaître mais au contraire devenir progressivement un acteur clé de la stratégie d’entreprise. Cela a pris de longues années pour le directeur du personnel, je pense que cela ira plus vite pour la transformation du CDO, dans un monde où le volume des données explose et où l’IA révèle toute la valeur de ces dites données. C’est un gros défi pour le CDO. On a d’ailleurs remarqué un important turnover, qui semble commencer cependant à se stabiliser, ce qui marque le passage à cette nouvelle étape dans l’évolution du rôle de CDO.

Florence, de ton côté penses-tu que ce sentiment que le CDO disparaît c’est une question de perception ou d’évolution naturelle ?

[Florence] : N’oublions pas que le rôle de CDO est initialement apparu en réponse à de nombreuses réglementations. Par ses origines, la fonction souffre d’une image technique et très « contraignante ». L’humanisation du rôle était essentielle pour favoriser son évolution et son enrichissement. Cette dimension humaine permet en plus de ne pas s’arrêter à la performance de concevoir un produit data, (et déjà quelle performance !!) mais de boucler la boucle en s’attardant sur les enjeux d’adoption, de changement d’usage qui font de plus en plus partie des critères de succès d’un projet data. Cela rend le job également un peu plus sexy…!

[Jean-Paul] : Ah ça ! Ce n’était pas le plus sexy des rôles au départ que d’être CDO !

[Florence] : Oui et c’est pour cela qu’il faut aussi que le CDO relève le défi d’apprendre à parler le langage de l’entreprise, celui du business, celui des métiers, celui de la culture de l’entreprise. Les initiatives data n’existent que pour être au service des enjeux clés de l’entreprise. Il faut réussir à démontrer à tous les domaines de l’entreprise, l’impact positif que la data & l’IA peuvent apporter au quotidien des collaborateurs. Mais ce n’est pas toujours simple… Les métiers manquent parfois de Culture Data pour réussir à se projeter et les CDO parlent trop techniques et perdent rapidement l’attention de leurs interlocuteurs. Pour ces deux points, la communication joue un rôle essentiel afin de repositionner le CDO et l’intérêt des projets data dans l’imaginaire collectif. En utilisant des stratégies de communication efficaces, le CDO peut améliorer sa visibilité et son influence, tant auprès des comités de direction que des opérationnels. De plus en plus de CDO ont compris cette nécessité. Donc pour moi, nous ne sommes pas sur une disparition du rôle de CDO mais plutôt sur un profil qui va prendre aujourd’hui toute son envergure et sa mission transverse mais qui nécessitera de nouvelles soft skills comme le lobbying ou le storytelling.

En envisageant l’avenir à court terme, nous pouvons dès maintenant anticiper une évolution du rôle de CDO vers un modèle hybride, combinant à la fois une forte orientation technologique et une sensibilité humaniste. Selon toi, Jean-Paul, quels types de compétences le CDO du futur devra-t-il maîtriser pour rester pertinent ?

[Jean-Paul] : On peut dire qu’aujourd’hui, dans le domaine de la data, l’expertise reste essentielle, même si elle tend à se standardiser, la technologie étant devenue une simple commodité. C’est pourquoi benchmarker et choisir les outils adéquats reste très important, même si ces outils ne représentent pas toujours des solutions complètes. Le tout c’est quand même à la fin de parvenir à trouver des solutions qui cohabitent de manière transparente et efficace. À l’avenir, je pense que l’accent sera davantage mis sur les processus et les personnes, nécessitant des compétences très pointues. Sur le plan technologique, les organisations auront besoin de disposer d’outils qui se rapprochent le plus possible d’une solution intégrée. Sur le plan humain, c’est plutôt la capacité à s’intégrer dans une équipe exécutive, en formant des squads avec des DRH, des DSI et des responsables de la transformation, qui sera déterminante. Il y a donc un besoin d’évolution de compétences pour le rôle.

Mais cette évolution des compétences justement ne doit-elle pas être soutenue par une approche communicationnelle Florence ?

[Florence] : Complètement. La première impression est toujours la bonne, il s’agit donc de ne pas se louper. Travailler les éléments de langage pour savoir présenter le pitch de son équipe est aujourd’hui un basique. Des éléments de langage partagés par tous les membres de l’équipe data en interaction au quotidien avec toutes les parties prenantes. « Cohérence = impact » reste le maître mot des communicants. Faire monter son équipe en compétence sur le storytelling, sur leur capacité à savoir angler un message en fonction de leur audience (et pas en fonction de leur projet) est également un must have. Finalement lancer un produit data en interne peut s’apparenter au lancement d’un produit “tout court”. Imaginer son kit de lancement et comment le produit va rencontrer ses utilisateurs, c’est tout l’art du marketing ! Et attention, former, ce n’est pas marketer ! Ce n’est pas parce que les utilisateurs sont formés qu’ils utiliseront votre produit au quotidien ! Les éléments du kit de lancement d’un produit data ? Au minimum un one pager (écrit pour résonner auprès de l’audience) et un tuto vidéo pour valoriser les fonctionnalités. Et rassemblez tous les supports au même endroit : souvent un intranet, point d’entrée et d’information unique sur tous les sujets liés à la data.

Et si on se projette dans le futur, le CDO finalement aura été une fonction éphémère ou aura-t-il gagné sa place de nouveau pilier stratégique de l’organisation ? D’ailleurs allons-nous l’intégrer à un autre rôle ou même le rebaptiser (Chief Data & AI Officer, Chief Innovation Officer) ?

[Jean-Paul] : Pour moi, il est clair que le CDO est destiné à devenir un pilier stratégique de l’organisation. Une fois la phase “technique” initiale passée, ce rôle pourrait évoluer pour devenir plus collectif. À l’origine, le CDO est un cavalier seul, avec une vision claire et une stratégie qu’il met en place et gère techniquement. Ensuite, il partage cette vision au sein de l’organisation et mobilise les équipes pour une réalisation collective. Il est d’ailleurs essentiel de développer un plan commun avec les équipes business, un peu à la manière des ressources humaines, car « on ne fait pas de la data pour la data ». Cela permettra de mieux intégrer les initiatives data dans la stratégie globale de l’entreprise et de maximiser leur impact.

[Florence] : Mais alors pourquoi fait-on de la data ? (sourires)

[Jean-Paul] : La bonne nouvelle est que tout le monde le sait aujourd’hui

Florence, comment maintenir une continuité dans la communication et l’engagement autour de la data, même avec un turnover ou une évolution du rôle justement ?

[Florence] : Pour moi, il y a deux types de communication. Une communication projets data et une communication vision data. En centralisant tous les supports dans un intranet avec des templates calibrés, la communication projet est pérenne. La communication de la vision data est personnelle, incarnée et elle évoluera forcément avec les changements de CDO et tant mieux. On la retrouvera dans l’édito d’une newsletter, de l’intranet, dans les éléments de langage des interventions orales etc. Le ton, les motto, les métaphores utilisées lui donneront une identité et une réelle capacité à embarquer… ou non.

On pourrait aller plus loin et même en quelques mots décrire le portrait idéal du CDO du futur ? 

[Florence] : Pour moi, cela serait un “expert tech empathique” sachant à la fois manipuler la techno comme prendre en compte la dimension humaine : écouter, accompagner, rassurer. Un storyteller stratégique, connectant technologie, valeurs humaines et engagement collectif pour faire de la data, un réel capital pour tous les collaborateurs.

[Jean-Paul] : Je dirais une figure hybride, capable de prédire et d’agir au service de l’humain et du business.

Le mot de la fin. Si vous pouviez donner un conseil à un CDO en 2050, quel serait-il ?

[Jean-Paul] : Qu’il reste fidèle aux fondamentaux: faire en sorte que l’organisation tire toute la valeur de ses données pour atteindre les objectifs. Et puis qu’il relise cet article et nous dise dans quelle mesure on était à côté de la plaque 🙂

[Florence] : Pas vraiment de conseil… J’espère que le CDO de 2050 ne sera pas non plus devenu un animal trop “social”, trop stratège. 😉 Je suis fan du profil actuel de mes clients : ce sont beaucoup de techs ultra experts, qui n’ont souvent pas les clés pour utiliser la communication (et qui donc me font sentir tellement utile à leurs côtés… mais qui m’étonnent toujours par leur passion et surtout une profonde humilité… Sûrement la plus belle des qualités pour savoir toujours se réinventer, non ?

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Merci à tous les deux pour cet échange pertinent. Il ressort que, d’ici 2050, le rôle du CDO évoluera au-delà de ses fonctions initiales. Grâce à sa maîtrise parfaite des technologies et à sa compréhension des dynamiques humaines, il jouera un rôle clé dans la transformation numérique des organisations et sera perçu, non plus comme le garant des données, mais comme un architecte de l’innovation, façonnant un avenir où technologie et humanité coexistent au service de la stratégie d’entreprise. Si cet échange vous a plu, ce webinaire retraçant les retours d’expérience complémentaires de Florence Haxel et Jean-Paul Otte sur la transformation data de leurs clients est pour vous !